La Description des Arabes à l’Aube de la Mission du Prophète Muhammad
Les gens de la Mecque étaient faibles dans leur réflexion forte dans les passions. En effet, il n’existe nul lien entre la maturité de l’esprit et celle de l’instinct, ni entre le retard d’un groupe sur le plan de la pensée et son retard dans le champ de la passion et l’avidité. Le défilé des passions dont nous entendons parler à Paris ou à Hollywood n’excède pas de beaucoup ce que les siècles révolus ont connu en termes de perversion des humains.
Le développement de la civilisation n’a aucune influence de ce côté, si ce n’est par l’augmentation des moyens de séduction. Quant aux passions elles-mêmes, ce sont les-mêmes qui ont existé avant et après le Déluge [du temps de Noé] : égoïsme, cupidité, hypocrisie, provocation, envieuse jalousie, et autres viles caractères qui ont dominé le monde depuis les ères révolues, même si, dans les ères récentes, ils peuvent apparaître sous d’autres déguisements.
On peut observer dans un village insignifiant ou une tribu naïve, une concurrence dans la récolte de l’argent et la recherche de la renommée, identique à celle que l’on voit dans les milieux les plus raffinés. De nombreux individus manquent une excellente part dans les domaines du savoir et de la vertu, mais ils ne manqueraient jamais les très hauts degrés de fraude, d’arrivisme et de machination. Vous serez peut-être surpris de voir un homme ne comprenant pas une chose à peine plus loin que le bout de son nez et pourtant il comprend parfaitement qu’un tel ne doit pas être meilleur que lui !
Depuis l’époque de Noë (Nûh), la vie déploie des exemples de cette stupidité et cet entêtement. Lorsque le peuple de Noë fut appelé à croire en Allâh Seul, leur réponse à Noë mettait l’accent non pas sur l’essence de l’Appel, mais plutôt sur la personne de l’appeleur et l’honneur dont il pourrait jouir par cet Appel !
"Alors les notables de son peuple qui avaient mécru dirent : "Celui-ci n’est qu’un être humain comme vous voulant se distinguer à votre détriment. Si Allah avait voulu, ce sont des Anges qu’Il aurait fait descendre. Jamais nous n’ avons entendu cela chez nos ancêtres les plus reculés " [23 :24]
Combien nombreuses sont les portes d’accès de la passion dans les œuvres et les jugements et combien dure est l’opposition à la passion sur le plan de l’éthique, de la pensée, de la conduite et des politiques. Les tempêtes de la passion et des péchés ventaient sur la Mecque à l’aube de la Mission Prophétique. Les gens qui y vivaient constituaient de bons exemples de la sophistication des passions, la paralysie de la pensée, ou le développement de celles-ci dans les ombrages de la passion dominante et pour la servir. Le lot des gens était de renier Dieu et le Jour du jugement Dernier, rechercher les délices de l’ici-bas, couler dans leur abondance, désirer profondément la souveraineté, l’élévation et la soumission des gens à leurs ordres, des sectarismes insensés qui déclaraient la guerre ou la paix pour satisfaire leurs vices, ainsi que des traditions héritées qui moulent l’activité individuelle, matérielle aussi bien que littéraire, dans ce cadre limité.
Il serait faux de penser que la Mecque à cette époque n’était qu’un village isolé de toute forme d’urbanisation, perdu dans un désert sauvage, ne connaissant de la vie que ses besoins vitaux. Il n’en est rien. Elle a vécu l’abondance au point de tomber dans l’ingratitude, elle a ambitionné la gloire au point de s’entre-déchirer pour elle. L’idolâtrie s’était infiltrée en ses profondeurs au point qu’il était très difficile de la purifier de cela. Les mecquois étaient soit des aveugles incapables de percevoir la vérité, soit des ingrats qui la reniaient. Dans cette société qui n’a rien connu de signifiant sur le plan du progrès de l’esprit, l’orgueil individuel a atteint les cimes et des gens étaient prêts à concurrencer Pharaon dans sa tyrannie et sa vanité.
`Amr Ibn Hishâm dit en expliquant la raison pour laquelle il reniait le Message de Muhammad, paix et bénédiction d’Allâh sur lui : " Les enfants de `Abd Manâf veulent nous partager l’honneur, comme si nous étions deux chevaux pour gagner un pari. Ils disent : "Il y a parmi nous un Prophète qui reçoit une révélation !". Par Dieu, nous ne croirons jamais en lui et ne le suivrons pas tant que nous n’aurons pas reçu une révélation comme celle qu’il reçoit !"
Certains affirment que Al-Walîd Ibn Al-Moghrîrah dit au Messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui : "Si la prophétie était vraie, alors je suis plus en droit que toi de l’avoir ! En effet, je suis plus âgé que toi et plus riche !" Cette bassesse manifeste n’était pas le lot de la Mecque exclusivement. Des raisons similaires ont conduit à la mécréance `Abd Allâh Ibn ’Ubayy à Médine.
Après l’Hégire, le Messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, partit rendre visite à Sa`d Ibn `Ubâdah, qui était tombé malade avant la bataille de Badr. Il monta sur un âne et Usâmah Ibn Zayd marcha derrière lui. Sur leur chemin, ils passèrent devant une assemblée où se trouvaient `Abd Allâh Ibn ’Ubayy, des musulmans, des polythéistes adorant les idoles et des juifs. Parmi les musulmans, il y avait `Abd Allâh Ibn Rawâhah. Lorsque la poussière soulevée par la monture atteignit l’assemblée, Ibn ’Ubayy couvrit son nez par sa cape, puis dit : "Ne nous couvrez pas de poussière !". Le Messager d’Allâh - paix et bénédiction d’Allâh sur lui-, leur adressa le salut et descendit de sa monture. Il les appela à Allâh et récita des versets du Coran... `Abd Allâh lui dit : "L’ami, il n’y a pas mieux que tes paroles. Si elles sont véridiques, alors ne nous offense pas en les répétant dans nos assemblées et retourne à ta monture. Répète-les à ceux qui viendront te voir..."
Ibn Rawâhah répondit : " Au contraire, ô Messager d’Allâh, couvre nous de cette parole dans nos assemblées. Nous aimons cela". Musulmans, polythéistes et juifs se sont alors insultés au point d’en arriver aux mains. Le Messager d’Allâh paix et bénédiction d’Allâh sur lui ne cessa de les calmer jusqu’à ce qu’ils se soient tus. Puis, il monta sur sa monture et arriva chez Sa`d Ibn `Ubâdah et lui dit : "N’as-tu pas entendu ce que dit Abû Hubâb - i.e. Ibn ’Ubay ? Sa`d demanda : Qu’a-t-il dit ? Le Messager d’Allâh, paix et bénédiction d’Allâh sur lui, lui raconta ce qu’il dit et Sa`d de dire : " Pardonne-lui ô Messager d’Allâh. Par Celui qui a fait descendre le Livre sur toi, Allâh t’a donné la Vérité qu’Il t’a révélée. Mais les gens de cette ville- i.e. Médine- s’était accordés pour le couronner et lui donner le leadership. Lorsqu’Allâh a refusé cela par la Vérité qu’Il t’a révélée, il [i.e. ’Ubayy] s’en est offusqué, c’est pourquoi il s’est comporté ainsi."
Ibn ’Ubayy refusait l’islam parce qu’il voyait en lui un péril pour son leadership. C’est ce que fit Abû Jahl avant lui. Et si ceux-là rejetèrent la vérité après l’avoir reconnue, il y a des milliers de gens sans le moindre entendement ni la moindre guidance, mais qui détestent l’islam et le combattent.
Au sein de cette ignorance simple ou composée, ces inimitiés au sein de spécimens innombrables d’égarement et d’insouciance, l’islam commença à répandre progressivement ses rayons lumineux. Il conduisit une communauté des ténèbres vers la lumière. Il en fit même une lampe incandescente qui éclaire et guide. Les leçons que provoquèrent cette transformation critique et qui élevèrent des peuples et des tribus du ras du sol jusqu’aux cimes, ne constituent pas un remède temporaire ou spécial. Il s’agit d’un remède permanent pour la nature humaine chaque fois qu’elle se souille, et tant qu’il y aura des êtres humains et une vie sur terre, ce remède ne cessera d’honorer l’homme et renouveler la vie.
P.-S.
Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî intitulé Fiqh As-Sîrah, éditions Ar-Rayyân Lit-Turâth, première édition, Le Caire - Éegypte, 1987.
A suivre….
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